mon résumé
Pollinisation en milieu urbain et péri-urbain sur la région bruxelloiseMémoire présenté en vue de l'obtention du grade de master en biologie des organismes et écologie option BEVT par Etienne Pont
la richesse spécifique des plantes peut favoriser le maintien des espèces pollinisatrices face aux variations et perturbations environnementales l’agriculture urbaine (AU) et les jardins potagers sont des lieux de résilience où l’on peut retrouver une forte diversité d’espèces végétales aussi bien sauvages qu’alimentaires en milieux urbains. Les espaces urbains sont donc en mesure de créer à la fois des lieux de nidification et d’alimentation pour les abeilles sauvages en créant des « relais » de biodiversité au sein d’un paysage urbain fortement fragmenté. D’autre part, des bio-indicateurs végétaux (phytomètres) peuvent rendre compte du taux de succès de pollinisation des abeilles sauvages
Le travail a été mené par une double approche. Dans un premier temps nous nous sommes intéressés à l’étude du succès de pollinisation de deux espèce d’abeille sauvage (Osmia bicornis, O. cornuta) sur une station expérimentale spécialisée depuis 1995 dans la culture biologique des petits fruits (fraises, framboises, groseilles, mûres et autres baies) située en Brabant Flamand (PPK).
Le but de cette étude est de vérifier l’efficacité de pollinisation de ces espèces et, par la suite, de mettre en place un nouveau système plus efficace et moins coûteux au sein de cette fraisiculture. L’objectif de cette partie est l’exploration d’une stratégie durable en fraisiculture basée sur la pérennité des ressources naturelles, ici, les pollinisateurs. En effet, le PPK utilise
actuellement des boites à bourdons (Bombus terretris) commercialisées par BIOBEST ou KOPPERT pour assurer la pollinisation de leurs fraises. Ces populations ne se renouvellent pas dans le temps (pas de nidification, pas de reproduction) et représentent un coût annuel pour l’entreprise. Les osmies (abeilles sauvages cavernicoles) quant à elles sont des pollinisateurs avérés des fraises et moyennant un environnement naturel favorable à proximité, peuvent nidifier, se reproduire et ainsi former une population de pollinisateurs viable et gratuite sur le long terme.
Dans un second temps, l’étude vise à estimer le succès de pollinisation des abeilles sauvages en milieux agricoles urbains. Celle-ci a permis d’attester la présence de pollinisateurs en ville et de vérifier leur efficacité à l’aide de phytomètres.
Agroécologie urbaine
L’agroécologie est une science définie par l’application des concepts et principes écologiques pour la mise en place et la gestion d’agroécosystèmes durables. Un agroécosytème ou agrosystème est un écosystème modifié par l’Homme afin d’exploiter une part de la matière organique qu’il produit, généralement à des fins alimentaires (Smit et al. 1998).
L'agroécologie fournit un cadre pour comprendre la complexité des agroécosystèmes (Altieri 1995). D’après Altieri et Rosset (1995), le principe de l’agroécologie est d’aller au-delà des pratiques agricoles alternatives et de développer des agroécosystèmes les plus indépendants possibles des intrants chimiques et énergétiques. Tout en prenant en compte la complexité des systèmes agricoles dans lesquels les interactions écologiques et les synergies entre composantes biologiques fournissent les mécanismes nécessaires aux systèmes pour maintenir leur propre fertilité (sols), productivité (récoltes) et protection des cultures (durabilité).
L’agriculture urbaine (AU) peut être définie par la culture de plantes et l’élevage d’animaux au sein et autour des villes pour la production de denrées alimentaires marchandes
Ces espaces agricoles urbains sont souvent synonymes d’espaces verts. La biodiversité pouvant être véhiculée et promue par le biais de paysages urbains raisonnés (Bourcier 2012), on peut alors voir en ces lieux des relais de biodiversité dans un environnement urbain très fragmenté.
La création d’espaces agricoles urbains sous-tend la mise en place d’une diversité d’espèces végétales plantées (fruits, légumes, fleurs ornementales issues de la biodiversité locale). La plupart des espèces végétales ont des interactions avec des pollinisateurs
Il est donc intéressant de se pencher sur la conservation de la diversité des abeilles sauvages dans une optique d’efficacité optimale de pollinisation et de rendement dans les cultures pollinisateurs-dépendantes.
le cas du fraisier
Les fraises sont naturellement visitées par une large diversité de pollinisateurs que ce soit des abeilles (domestiques ou sauvages) ou des mouches (Albano et al. 2009). La pollinisation complète de tous les fruits (akène) du réceptacle floral est nécessaire pour une qualité optimale des fraises (Antonelli et al. 1988;Klatt et al. 2014). La pollinisation des fleurs par les insectes augmente significativement la quantité de fraises, leurs poids et leur qualité. Plus la fleur sera efficacement pollinisée, plus la fraise sera grosse.
les fraisiers de la variété Joly assurent un développement et une production stable dans le temps. En outre, les tests effectués en Belgique ont confirmé une meilleure tolérance aux pathogènes du sol et un besoin réduit pour le traitement contre l'oïdium que d’autres variétés.
BUTS DU TRAVAIL
Le but de cette étude est de vérifier l’efficacité de pollinisation de ces espèces et, par la suite, de mettre en place un nouveau système plus efficace et moins coûteux au sein de cette fraisiculture. L’objectif de cette partie est l’exploration d’une stratégie durable en fraisiculture basée sur la pérennité des ressources naturelles, ici, les pollinisateurs
De plus, les bourdons ont une morphologie plutôt massive et peuvent endommager les fleurs lors de la pollinisation et donc
influencer négativement le développement des fraises, les osmies au contraire sont de petites abeilles de quelques millimètres et pourraient significativement empêcher ce biais
les fraises des traitements Pollinisation Manuelle et Osmies sont significativement mieux pollinisées que celles des traitements Autopollinisation, Insectes exclus et Bourdons
En résumé, les fraises des traitements Pollinisation Manuelle et Osmies sont significativement mieux formées que celles
des autres traitements alors que les fraises des traitements Autopollinisation et Insectes exclus ont tendance à être significativement plus déformées. Enfin, le traitement bourdons semble fournir des formes de fraises intermédiaires entre ces deux groupes.
les fraises des traitements Pollinisation Manuelle et Osmies sont significativement plus commercialisables que celles des autres traitements alors que les fraises des traitements Autopollinisation et Insectes exclus ont tendance à être significativement moins commercialisables. Enfin, le traitement Bourdons semble fournir des classes commerciales intermédiaires entre ces deux groupes.
DISCUSSION
Les fraises les mieux pollinisées sont les mieux formées, les plus commercialisables (à la fois pour l’agriculture conventionnelle et biologique), présentent un poids moyen plus élevé et un taux de sucre réduit par rapport aux fraises les moins pollinisées. Ces observations confirment les hypothèses de départ selon lesquelles la pollinisation offre des services écosystémiques
mélioratifs pour la production des fraises.
Plus la fraise est pollinisée plus le nombre d’akènes fertilisés augmente (Svensson 1991). Chaque akène fertilisé induit le processus de libération d’auxine, une hormone végétale de croissance
Les fruits les plus sucrés lors de la récolte ont tendance à présenter un temps de conservation plus faible que les fraises moins sucrées. Ceci peut être expliqué par la transformation de composés acides en sucre après la récolte des fruits.
Nous avons de plus montré que les Osmies (Osmia bicornis et O. cornuta), quand elles sont en association sont des pollinisateurs plus performants que les bourdons (Bombus terrestris).Les Osmies fournissent un taux de pollinisation similaire aux fraises pollinisées manuellement, on peut donc considérer que ces abeilles sauvages sont des pollinisateurs idéals en agriculture biologique sous tunnel. De même, les formes de fraises et les classes commerciales sont significativement plus
avantageuses pour le producteur lorsque la pollinisation est effectuée par les Osmies plutôt que par les bourdons.
les espèces du genre Osmia sont des pollinisateurs efficaces sous tunnels (Wilkaniec et Radajewska, 1997 ; Bosh et Kemp 2002) : leurs comportements de butinage (nombres de visites, temps de visites par fleur, contacts réguliers avec les stigmates) leur permettent de récolter et diffuser efficacement le pollen des fleurs (Bosch et Kemp, 2002 ; Maccagnani et al. 2003). Ces mêmes auteurs montrent que ces espèces présentent une réelle capacité à polliniser des surfaces cultivables
Le coût lié à l’aménagement de ces abeilles sauvages est très réduit et la gestion logistique est quasiment nulle. En effet, des individus peuvent être commandés chez des éleveurs spécialisés afin d’établir une population initiale si elles ne sont pas déjà présentes dans la zone à cultiver. De plus, les cavités nécessaires à leur nidification sont aisément accessibles.
Il est cependant nécessaire de mettre en place des bandes fleuries à proximité des cultures afin de fournir une source de nourriture attrayante avant la floraison des cultures à polliniser
Les bourdons, quant à eux, nécessitent plus d’attention de la part des agriculteurs. Les ruches commerciales ont besoin d’être conservées et les bourdons nourris régulièrement avant la mise en place des ruches dans les tunnels. De plus, une fois dans les tunnels, les ruches doivent être régulièrement vérifiées pour voir si les mécanismes d’entrée/sortie restent fonctionnels. Une attention particulière doit être portée sur le nombre de bourdons à lâcher et donc nécessite un suivi régulier par l’agriculteur. Au PPK, les tunnels de culture sont relativement éloignés des bureaux où se trouvent les employés, l’aller-retour pour vérifier les
ruches prend environ cinq minutes. Sur toute la période de pollinisation, cela représente un volume horaire et un coût non négligeable pour les agriculteurs.
L’utilisation généralisée d’abeilles sauvages et en particulier des Osmies permettrait alors d’éviter les coûts liés à ces investissements logistiques
En effet, nous avons observé une charge de bourdons dans les tunnels trop élevée pour la surface à polliniser, les fleurs étaient abîmées et le pollen très peu disponible dans les demitunnels « Bourdons ».
Il est alors probable que les fleurs soient abîmées par des visites trop régulières réduisant ainsi la disponibilité du pollen pour la pollinisation des fraises et entrainant des malformations supplémentaires diminuant les valeurs commerciales associées.
L’utilisation du pollen pour la nutrition des larves de la colonie peut aussi influencer la disponibilité du pollen pour la pollinisation des fleurs et expliquer les différences de pourcentage de pollinisation observées